A l’approche de Noël, tout le monde s’affaire pour préparer le «sapin de Noël» qui est désormais présent partout, non seulement dans les maisons mais aussi sur les places publiques, dans les magasins, les écoles, les hôpitaux… Quelle est l’origine et la signification de cette coutume ?
Le premier texte y faisant clairement référence date de 1521 à Sélestat (dans le sud du Bas-Rhin, en Alsace) mais, dès le XIII° siècle, des édits autorisent à couper des sapins à l’approche de la nuit sainte. Au XIV° siècle, l’on doit surveiller les forêts pendant neuf nuits afin d’éviter la coupe d’arbres sauvages. Johann Dannhauer écrit en 1642 : «Pour Noël, il est d’usage à Strasbourg d’élever des sapins dans les maisons ; on y attache des roses en papier, des pommes, du sucre.» Plus tard, il se verra décoré de fruits, d’hosties colorées (non consacrées évidemment), de rubans et enfin de gâteaux de Noël et de pains d’épices. Les bougies étaient connues en 1785 comme l’atteste la Baronne d’Oberkirch. Etienne Seinguerlet écrit en 1876 dans son Histoire de Strasbourg : «En Alsace, il n’y a pas de famille si pauvre qu’elle soit, qui n’ait son arbre de Noël. Quand un Alsacien émigre, il emporte sa coutume héréditaire avec ses pénates. On l’a retrouvée dans les placers boueux de Californie, dans les sables du Sahara, dans les tranchées de Sébastopol, si bien qu’on a pu dire : «Là où est une famille alsacienne, là est un arbre de Noël.»
Origines du sapin de Noël
Une des bases religieuses du sapin serait la citation dans le livre de Baruch : «Les forêts elles mêmes et tous les arbres odoriférants ont prêté leur ombre à Israël, par l’ordre de Dieu. Car Dieu conduira Israël avec joie à la lumière de sa gloire. » (Bar. V, 8-9).
Nous savons que certains païens rendaient un culte idolâtrique à différents arbres. Une tradition rapporte que St Boniface, au VIII° siècle, a coupé un arbre sacré germanique et l’a transformé en arbre de Noël dans la ville de Geismar. On peut témoigner aussi que le couvent de Lehnin près de Brandebourg avait été construit sur un ancien site germanique et l’on a conservé au pied de l’autel la souche de l’arbre vénéré par les païens.
Symbolique du sapin
Dans le monde chrétien, Jésus est le premier-né de toute créature, le premier ressuscité, annonçant sa victoire sur la mort. Il commence sa vie terrestre sur le bois de la crèche et la finit sur le bois de la croix. Pour les âmes mortes par le péché, il est le nouvel arbre de vie. Une tradition médiévale atteste qu’un arbre a pris racine sur la tombe du premier homme, Adam, et que Noé a emporté ses ossements et les a enterrés sur le Golgotha (le lieu du crâne) ou Calvaire où Jésus fut cloué sur le bois de la croix afin de réparer le péché d’Adam et de redonner la vie surnaturelle aux âmes. De même que le sapin est toujours vert, de même Jésus-Christ possède toujours en lui la vie surnaturelle et peut la communiquer à toutes les âmes de bonne volonté.
Le sapin vient du sol où l’on place la crèche mais sa pointe désigne le ciel, l’endroit que nous indique le Sauveur. Le sommet est souvent agrémenté d’une étoile rappelant l’étoile de l’Épiphanie qui a guidé les Mages vers la crèche.
Les décorations du sapin
Les nombreuses décorations qui peuvent orner un sapin de Noël sont présentes pour développer la signification du mystère de l’incarnation et compléter la crèche :
- Les couleurs principales du sapin de Noël sont le vert et le rouge. Le vert du sapin symbolise l’espérance du salut que nous apporte Jésus-Christ ; le rouge est la couleur du sang qu’il a versé pour nous racheter du péché.
- Le rouge vient essentiellement des pommes que l’on accrochait autrefois sur le sapin. Elles rappellent le fruit défendu à Adam et Eve au paradis terrestre et le péché originel que Jésus-Christ est venu réparer par son incarnation. A la suite d’une pénurie de fruits, les pommes auraient été remplacées par des boules en verre soufflées. D’abord peintes en rouge, elles devinrent multicolores avec le temps.
- Le rouge venait également des roses en papier accrochées à l’origine ; ces roses symbolisent la charité ardente de Notre Seigneur qui n’a pas hésité à s’humilier pour naître dans la pauvre grotte de Béthléem et pour mourir ensuite sur la croix au calvaire. La charité pouvait également être
symbolisée par des fils d’or comme le souligne un texte de 1605. - Les hosties font directement allusion au sacrement de l’eucharistie. Jésus est né à Béthléem (qui veut dire en hébreu «la maison du pain»), il a été couché dans une mangeoire d’animaux ; il est venu non seulement pour nous sauver du péché, mais aussi pour nourrir nos âmes de la vérité, de la grâce et, par dessus tout, de la sainte eucharistie. La Sainte Eglise nous rappelle encore ce parallèle entre la nativité de Notre Seigneur et le sacrement de l’eucharistie en reprenant la préface de la Nativité pour la fête du Saint-Sacrement.
- La présence de friandises, de noix, d’objets en chocolat et de petits gâteaux de Noël (les fameux «bredele» en alsacien dont la variété et la qualité étonnent toujours les visiteurs des autres régions) fait allusion à tous les bienfaits que Jésus-Christ nous apporte en venant sur terre. C’est vraiment pour répandre à profusion ses grâces dans nos âmes qu’il est venu jusqu’à nous.
- Le sapin devient un «arbre de lumière» par l’adjonction de bougies pour bien montrer que Jésus- Christ est «la véritable lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde» (Jean I, 9). Au début, le nombre de bougies était de douze pour signifier les douze apôtres qui ont porté la lumière de Jésus-Christ dans le monde entier. Plus tard, elles furent plus généralement au nombre de vingt-quatre, évoquant les heures du jour. L’usage de la bougie ne se répandra qu’à la fin du XVIII° siècle grâce à la découverte de la paraffine qui en démocratisera l’usage (s’offrir 24 bougies de cire était coûteux autrefois) et réduit quelque peu le risque d’incendie. Celui-ci était en général jugulé par la présence d’un seau d’eau ou de sable disposé derrière le sapin. On comprend cependant l’origine de certains incendies dans les maisons en bois, au toit de chaume, sans eau courante, le tout dans un village avec demeures à encorbellement, ce qui propageait le risque d’incendie au village entier.
Aujourd’hui, les bougies sont souvent remplacées par des guirlandes électriques qui sont arrivées aux Etats-Unis vers 1901 grâce à la découverte d’Edison en 1879. - Signalons enfin les fameux « cheveux d’anges » qui rappellent que les anges ont chanté au-dessus de la grotte de Béthléem durant la nuit de Noël.
Décoré de mille façons ou simplement aux deux couleurs de Noël, le rouge et le vert, le sapin de Noël n’est cependant qu’un auxiliaire de la crèche qui nous représente directement la naissance du Messie et nous invite à la prière et à la contemplation du mystère de l’incarnation. Dans un foyer chrétien, il est parfois possible de trouver la crèche sans le sapin (en fonction de certaines circonstances, notamment le manque de place dans un appartement), mais il est inconcevable de trouver le sapin sans la crèche. Il est important aujourd’hui de rappeler ce principe pour ne pas perdre de vue la priorité et bien garder l’esprit chrétien. Que les parents chrétiens n’hésitent pas à bien expliquer à leurs enfants tous les symboles utilisés par l’Eglise pour aider les fidèles.
Commençons donc à préparer une belle crèche pour pouvoir la contempler durant tout le temps de Noël afin d’imiter les vertus de Notre Seigneur (humilité, pauvreté, charité, douceur, bonté) et de mieux ouvrir notre âme pour recevoir tous les bienfaits qu’il est venu nous apporter.
Texte de M. l’Abbé Pascal LORBER.